Emprunts linguistiques du français
Le 18 septembre dernier, Le Devoir publiait un article intitulé « L’OQLF ouvre la porte aux anglicismes » : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/508260/l-office-quebecois-de-la-langue-francaise-applique-sa-nouvelle-politique-des-emprunts-linguistiques.
Présentant certains nouveaux emprunts à l’anglais acceptés par l’Office québécois de la langue française (OQLF), cet article a suscité un vif débat, tant chez les langagiers que dans les autres sphères de la société.
D’un côté, ceux qui s’y opposent argumentent que la langue française se voit ainsi détériorée, qu’il existe des équivalents en français ou qu’il nous est possible d’en inventer pour combler nos besoins. Les critiques accusent l’OQLF de se dénaturer, qu’au lieu de prescrire, elle fait maintenant dans la description. La langue française serait ainsi sur une pente glissante.
De l’autre côté, ceux qui saluent cet assouplissement, étant en accord avec la décision d’accepter certains mots entrés dans l’usage depuis longtemps. Ils voient le rôle de l’OQLF comme celui d’un équilibriste : créer de nouveaux mots français, élargir la définition de d’autres ou recourir à des emprunts linguistiques.
Parce que c’est ce que sont les anglicismes : des emprunts linguistiques à l’anglais, que cela soit des mots, des expressions ou des tournures de phrase.
Une des trois définitions d’anglicisme dans Antidote : « Fait de langue emprunté à la langue anglaise et dont l’usage est critiqué. »
Et l’utilisation du mot « anglicisme » dans le titre de l’article du Devoir a certainement contribué à la vigueur du débat, en plus de laisser entendre qu’il n’y a pas déjà des anglicismes acceptés ou qu’ils le seront tous à l’avenir.
Nous nous faisons constamment répéter que les anglicismes sont mauvais et qu’il faut les éradiquer.
Toutefois, comme Anne-Marie Beaudoin-Bégin le note dans son essai La langue rapaillée, « la langue est bourrée d’illogismes ».
Un locuteur, « lorsqu’il pousse la recherche un peu plus loin et qu’il constate que surf, web et steak, qui sont manifestement des mots issus de l’anglais, eux, sont acceptés, ou qu’il constate que le mot informel est accepté même s’il vient de l’anglais, mais pas son contraire, formel, ses convictions sont ébranlées. Et lorsqu’il pousse encore plus loin et qu’il découvre, dans le Multidictionnaire de la langue française, que le mot tuxedo est condamné parce que c’est un anglicisme, alors que smoking est recommandé […], il décroche. »
BEAUDOIN-BÉGIN, Anne-Marie. La langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois. Montréal, Éditions Somme Toute, 2015, p. 74
Il est certain qu’il y a une certaine sensibilité à l’utilisation de mots anglais au Québec, cette langue qui nous entoure, nous influence, nous « menace ». Je vous conseille d’ailleurs la lecture des deux essais d’Anne-Marie Beaudoin-Bégin sur l’insécurité linguistique : La langue rapaillée et La langue affranchie.
Emprunts linguistiques au français
L’anglais n’est pas la seule langue à laquelle nous empruntons des mots :
- Arabe : alcool, calibre, hasard, sultan…
- Espagnol : armada, corrida, macho, major, salsa…
- Italien : opéra, costume, trio, villa…
Et le français n’est pas la seule langue à faire des emprunts.
Il existe donc des italianismes, germanismes, hispanismes, arabismes, gallicismes, etc.
Gallicisme : « Emprunt au français par une autre langue. »
Étymologie : « Emprunt au latin classique gallicus, ‘gaulois’, et de l’affixe savant -isme, ‘ensemble de caractéristiques’ ; du latin classique Gallia, ‘Gaule’. »
Source : Antidote
À ne pas confondre avec les francismes, qui sont propres au français parlé en France, par opposition au français dans le reste de la francophonie.
Je me suis fait demander récemment si les mots en français que l’on entend parfois dans les séries américaines étaient vraiment utilisés dans la vie de tous les jours.
Eh bien oui!
Je vous ai préparé une petite liste, non exhaustive, des gallicismes les plus communs en anglais :
Au Québec, l’anglais (minoritaire) a été quelque peu influencé par le français (majoritaire), surtout depuis la Révolution tranquille et la Loi 101.
Allemand :
Et bien d’autres!
Note : les noms communs en allemand prennent la majuscule.
Portugais : baguete (baguette), crepe (crêpe), filé (filet), maionese (mayonnaise), suflê (soufflé), etc.
Roumain : mersí (merci), revigorá (revigorer), etc.
Lequel de ces mots vous surprend le plus? Quel gallicisme entendez-vous le plus souvent?
Sources :
Image : Gaulois en vue de Rome, huile sur toile d’Evariste-Vital Luminais (Nantes, 1822 – Paris, 1896
BEAUDOIN-BÉGIN, Anne-Marie. La langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois. Montréal, Éditions Somme Toute, 2015, 120 p.
FEE, Margery. « French Borrowing in Quebec English ». Focus on Canadian English, Anglistik : International Journal of English Studies, Éd. Matthias Meyer, 2008, 19.2: 173-88
Anglais : https://www.thoughtco.com/how-french-has-influenced-english-1371255
Allemand : http://www.wikiwand.com/de/Liste_von_Gallizismen
Portugais : https://www.normaculta.com.br/galicismos-palavras-de-origem-francesa-na-lingua-portuguesa/
Roumain :
http://www.rimeaza.org/definitie-mersi.html
http://www.archeus.ro/lingvistica/CautareDex?query=REVIGORA
Cet article est vraiment intéressant. Merci!